Féminisme, tu m’auras pas !

Flickr Il y a quelques semaines, lasse d’être relancée par ma banque pour choisir « votre-merveilleux-cadeau-gagné-grâce-à-vos-points-fidélité » (comprendre : sers toi de ta Visa un max pendant 5 ans et t’auras un pauvre abonnement de 6 mois à un magazine), je me suis enfin décidée à m’abonner à un magazine féminin. Mais pas n’importe lequel hein, ZE magazine, celui qui sait tout avant tout le monde pour les tendances, la mode, la vie quoi (comment ca la vie ne se résume pas au dernier sac must-have vintage ?).

Première réception, je l’ouvre avec une semi-impatience…Et là, ô surprise, sur 200 pages, 175 de pubs directes ou indirectes. Ouah, ca déchire, maintenant on paye pour lire de la pub, trop cool.

Les 6 magazines d’après ont fini chez la nourrice de ma fille, et termineront leur vie dans la salle d’attente d’une amie, même pas ouverts.
Et puis hier, dans ma boite aux lettres, je trouve mon exemplaire avec en couverture, un titre qui m’attire l’oeil : La fin du féminisme, ces superwomen qui veulent rentrer à la maison.

Ah tiens, ca peut-être intéressant, voyons voir…Et bien j’aurais mieux fait de faire comme d’hab et de le poser direct dans le panier à magazine, ca m’aurait évité un coup de sang.

Parce que figurez-vous que je me suis pris en pleine face que je représentais une régression, une honte pour le féminisme. Rien que ca. Régression ? houlala le vilain gros mot, pire que Crise, Subprimes, et Récession réunis. Et c’est rien moins qu’Elizabeth Badinter qui me le lâche en pleine face. Comme j’ai beaucoup de respect pour son mari, je me retiens de l’injurier mais je n’en pense pas moins (et toc, ca c’est pour m’avoir traité de régression ambulante, ca fait 1-1 partout, balle au centre).

L’article porte donc sur ces nouvelles mamans (quoi qu’il y a aussi des femmes qui ne sont pas mères qui témoignent) qui ont décidé de renoncer ponctuellement à leur carrière pour rester à la maison s’occuper de leurs enfants. Celles qui ont mis leur vie professionelle entre parenthèses pour pouvoir allaiter plus longtemps, laisser à leurs bébés le temps de suivre leur rythme naturel, leur donner repas et bain sans courir pour les mettre au lit ensuite etc.
Nous parlons ici de toutes celles qui ont l’immense CHANCE d’avoir le choix. Le choix de dire Stop pour quelques mois ou quelques années. Le choix d’avoir un mari qui supportera financièrement les charges de la famille pendant cette période.

Vous pensiez bien faire ? Vous pensiez comme moi que le féminisme c’était cela : pouvoir choisir de continuer à travailler parce que vous aimez vos enfants mais aussi votre boulot. Ou pouvoir choisir de lever le pied en prenant un temps partiel grace au congé parental. Ou encore pouvoir choisir de démissioner d’un poste où vous ne touchiez plus terre, où vous rentriez à la maison et que vos enfants étaient déjà couchés par la jeune fille au pair ?
Et bien laissez moi vous dire que vous vous mettez la baleine du soutien-gorge brulé sur les barricades dans l’oeil.
Parce que ce cher magazine et Elizabeth, de concert, vont vous apprendre ce que c’est que le vrai féminisme. Et que décider de rester auprès de vos enfants, c’est une insulte à nos mères qui se sont battues pour l’avortement et la pilule. Et que décider d’allaiter votre enfant, c’est une insulte à….hum à qui d’ailleurs ? aux fabricants de lait en poudre ? Et qu’accoucher sans péridurale, c’est aussi une insulte à…mmmhhh voyons je ne sais pas, à tous ceux qui souffrent dans le monde ?

Allons soyons sérieux deux minutes. J’ai 35 ans, j’ai grandi avec la pilule , l’avortement autorisé, le travail des femmes. Je ne suis pas aussi stupide que j’en ai l’air et j’ai bien conscience des combats qui ont été ceux de nos mères et grand-mères. Mais si être féministe se résume à suivre une doctrine rigide qui prone les hormones quotidiennes à prendre les yeux fermés, le travail à tout prix même alimentaire juste pour être indépendante, et le lait en poudre juste pour pouvoir laisser mon bébé à une semaine pour aller faire du shopping…Et bien le féminisme ne passera pas par moi.

Il parait même selon Madame Badinter que « toute femme qui accouche dans une maternité publique fait face à une pression stupéfiante pour allaiter ». Fichtre, diantre, on encouragerait l’allaitement en France ! Mais pourquoi ??? C’est si mauvais pour les bébés !
Alors que du même coup, le Planning Familial assiste, médusé, à une défiance des jeunes femmes vis à vis de la pilule, dont les ventes baissent chaque année (moins deux millions de plaquettes entre 2003 et 2006). Damned, les femmes d’aujourd’hui ne prendrait donc plus leur ostie hormonale quotidienne les yeux fermés ? Celle-là même qui suppriment leur ovulation, qui déclenche de fausses règles (fausses règles qui ne sont là que pour tranquiliser les femmes rappelons-le). Et ca, c’est de l’anti-féminisme, de la régression, un crachat sur nos pauvres mères ?

J’ai fini de feuilleter mon magazine avec un pincement au coeur. Et puis je suis tombée sur ces femmes adulées par ces mêmes journalistes. Des jeunes femmes toxico, anorexiques, alcooliques mais on s’en fout ! Parce qu’elles ont le dernier IT bag (le dernier sac à 1 000 euros qu’il vous faut absolument sinon vous êtes une plouc finie), les dernières chaussures hypra-must-tendance.
C’est donc ca le féminisme du XXIème siècle ? Non merci.

Petit jeu du week-end : Le nom du fameux magazine a été cité 8 fois dans cette note, sauras-tu le retrouver ?

(14 commentaires)

  1. Par rapport à l’allaitement, je comprends ce qu’elle veut dire… Je trouve qu’on culpabilise beaucoup les mères qui choisissent (ou pas d’ailleurs, qui le subissent) de ne pas allaiter parce que justement le lait maternel est ce qu’il y a de mieux et du coup, si on fait pas ce qu’il y a de mieux, on se sent mauvaise mère (j’appelle ça le syndrôme de la mère nourricière, c’est fou comme la nourriture ça nous touche les mamans)… Alors des fois y’en a qui contribuent à culpabiliser les parents qui font ce choix et des fois on culpabilise seul parce qu’on fait pas l’idéal (typiquement quand j’ai décidé d’arrêter de tirer mon lait en travaillant).
    Ca va beaucoup avec le courant des parents natures je trouve aussi. Pas que ce soit un courant qui veuille culpabiliser les autres (loin de là, je suis plutôt dans la tendance d’ailleurs) mais culpabilisant dans le sens où effectivement on essaie de faire tout ce qu’il y a de mieux pour nos enfants (les faire manger bio, ne pas leur mettre nawak comme produits chimiques, leur mettre des lavables sur les fesses, HNI, etc) et du coup quand on fait pas comme ça, on a l’impression d’être un mauvais parent. 😉 D’où souvent le clash avec les parents « traditionnels », qui ne suivent pas ce nouveau courant.
    Bon enfin pour le reste… Moi aussi je trouve qu’être féministe c’est avoir le choix. Et j’envie ces femmes qui l’ont !

  2. Je ne lis jamais ELLE, question d’hygiène personnelle.
    Tant sur le plan politique que sur le plan idéologique, toutes leurs positions me hérissent… et puis cette façon de sortir Badinter à chaque fois qu’il est question de la femme… Pfff… Alors je vais dire un truc grossier… mais j’ai bossé chez Hachette Filipacchi. J’ai fréquenté la cantine avec les meufs de ce magazine… ELLE c’est un magazine de vieilles, pour des vieilles, fait par des vieilles… Vieilles pas toujours en âge mais en tout cas dans l’approche. Le magazine s’est construit sur un combat – ultra-noble – la libération des femmes. Maintenant c’est fait, du coup notre génération est plus détendue sur la question mais les nanas de ELLE, pour elles, toute ligne différente de la leur est forcément déviante et régressive.
    Pour moi, ELLE c’est has-been.
    (signé la fille qui a pigé pour ELLE à Paris)

  3. Bonsoir !
    Hélène, je suis tout à fait d’accord avec vous pour cette histoire de choix. mais il semblerait qu’en fait on se trompe toutes les deux, et qu’il n’y ait pas de choix dans le féminisme. Soit tu es dans la ligne, soit tu es anti (j’adore ce genre de vision). Comme si tu étais forcément anti allaitement si tu donnes le biberon par exemple ou anti-biberon parce que tu allaites. Pffff.
    Concernant la mère nourricière 😉 je crois qu’on en est hélas toutes rendues là, les mamans biberonnantes subissent une pression pour allaiter, les mamans allaitantes vivent également une pression parce que dans le désordre : le bébé ne prend pas assez de poids (par rapport à un autre nourri au lait maternisé mais ca on nous le dit pas), parce que bon là, ca va ca suffit, tu vas arrêter non ? Sans parler de la mère incestueuse de Rufo.
    On a toutes notre compte dans l’histoire !
    Léonor, mais enfin de quel magazine parlez-vous ? jamais entendu parler 😉
    J’avais déjà (beaucoup) tiqué lors de la fameuse polémique à la sortie du film « le premier cri ».
    Enfin ca se confirme, on n’a pas les mêmes égéries Elle et moi 😉

  4. ben peut être aussi que ce magazine définit le féminisme d’une manière subjective non ? ;o) de toutes façons le féminisme est ce que les femmes en font … il y a de nombreuses sensibilités féministes (tout comme il existe des sensibilités chez les gens qui luttent contre le racisme … c’est tout à fait naturel !) et puis il y a la vraie vie ! un quotidien usant, entre enfants, difficultés à articuler boulot et enfants, un pays où on oublie un peu trop que les enfants ne s’élèvent pas au fond d’une poche ;o) LE féminisme n’existe pas pour moi, il y a DES féminismes et surtout DES féministes… et quand on est féministe (je le suis) on fait ce qu’on peut dans un monde encore inégal pour les femmes, on fait au mieux … selon nos propres inclinaisons aussi ;o) la perfection n’est pas de ce monde de toutes façons et on peut aussi avoir nos propres contradictions …

  5. Morte de rire et TOUT A FAIT DACCORD AVEC TON PAPIER. Le feminisme n’est pas un mot grossier et vain, n’en deplaise aux masculinistes et à leur references, comme cette pseudo feministe d’arriere garde.
    Visiblement tu ne savais pas : Badinter est une grosse co..ne. Elle est reprise delongue par le lobby des peres (victimes) et divorcés, qui saute sur l’occasion de la citer , avec la caution de son « intellectualisme ». Cette femme donc, refute l’instinct maternelle, la maternité (elle s’est fait faire 3 momes) et considere que les enfanst sont « le sale travail qu’on laisse aux femmes ».
    J’te jure elle est grave. Encore une bobo de gauche qui donne des leçons au petit peuple. A gerber.

  6. Oooops j’avais pas percuté de quel magazine il s’agissait. Mais c’est bien sur, c’est ELLE !!! avec sa redaction de vieilles (si l’on en croit l’un des posts) et qui a fait le portrait sociologique des meres passées en garde alternée (de gré ou de force depuis la loi du 4 mars 2002- merci Sego). Ces « nouvelles » meres se sont vu encensées par la redaction, elles qui pouvaient ENFIN etre libres de leur temps grace à la garde alternée (que les enfants soient transformés en valise on s’en fout, c’est la pa-ri-té ) et qu’elles l’utilisaient pour se faire saut..r pendant leur semaine ou elle n’etaient « plus maman ». Un vrai bonheur.
    Encore un article qui a donné du jus aux masculinistes qu’on decouvre tout a coup « super papa » et complices de la « nouvelle vie » des meres. MDR !!!

  7. Je rejoins un peu tous les commentaires. Pour ma part, je me suis toujours sentie féministe, mais quelle est la vraie définition de ce mot ? on peut en mettre plusieurs.
    Moi, j’ai fait le choix d’allaiter et je n’ai eu que le regret qu’on ne m’explique pas pourquoi mon fils pleurait à longueur de journée et pourquoi il ne dormait pas. J’avoue que pour le coup le biberon m’a sauvé ma santé mentale ! et mon sommeil. Mais j’admire ses mamans pour qui l’allaitement fonctionne. Si j’avais été conseillée et écoutée, j’aurai probablement pris en congé parental par CHOIX et surtout pour continuer l’allaitement.
    Pour ma part le féminisme, c’est AVOIR LE CHOIX, de prendre un congé parental, d’allaiter, d’être dans la tendance maternante ou pas, et SANS ETRE CRITIQUEE, c’est aussi AVOIR LES MEMES DROITS QUE LES HOMMES, là je parle en terme de boulot, de salaires et des responsabilités. Et c’est tout simplement AVOIR LES DROITS D’ETRE FEMME COMME ON EN A ENVIE. Et franchement les autres on s’en fout, en tous cas moi, je m’en fous, pas vous ?

  8. GRAND CLAQUEMENT DE MAIN
    CET ARTICLE EST CRIANT DE VÉRITÉ
    Pourquoi je crie ? parce que j’ai frisonnée en lisant ton article chère Christine. Il reflète la condition des femmes et la pression qu’elles subissent de toutes part.

  9. Franchement bravo, cet article est beau et tellement vrai ^^
    Ma foi, du haut des mes 22 ans, je me suis plutôt bien en « régressée ».
    Mon âge mental est-il supérieur à l’âge physique de madame Badinter ? Possible, mais moi au moins, je ne me crois pas supérieure au point de représenter ce qui doit une « vraie » femme !!!
    PS = Elle, c’est du vent, vide de contenu, mais plein de pub, comme la vision du féminisme de madame Badinter…

  10. Bonsoir mes sœurs féministes 😉 !
    Et bien, je ne savais pas qu’Elizabeth avait autant de détractrices !
    Pour Elle, par contre, ca ne m’étonne pas. Bon maintenant je vais encore le recevoir pendant 5 mois dans ma boite aux lettres, et je vais repenser à cet article à chaque fois. Groumph, qui, moi, rancunière ? 😉
    Bonne soirée à toutes.

  11. Je suis aussi en pleine regression!
    Lire votre article a été un des rares plaisirs de cette journée. Il y aurait tant de choses à dire sur ce sujet. Au fil des commentaires, je remarque quelque chose qui ressemble à un conflit entre générations. Les donneuses de leçons de ce magazine ou d’un autre, telle ou telle « philosophe » à la petite semaine, autant de femmes qui ont une guerre de retard, qui déversent leur frustration, leur jalousie envers celles (plus jeunes) qui s’éclatent, qui maternent, qui croquent la vie à pleines dents. Je pense deux choses, la première, c’est qu’un des grands problèmes de la génération à laquelle j’appartiens (j’ai 35 ans) est que peu de femmes ont osé se révolter ouvertement contre leurs mères et leurs valeurs. Ce n’est pas mon cas, mais beaucoup de femmes ont suivi les chemins tracés par leurs aînées sans les mettre en question. La seconde chose, est que le féminisme est intéressant jusqu’aux années 50, après, c’est devenu une tentative d’intrusion et de normalisation de la vie privée des gens (il faut prendre la plilule, il faut avoir tel nombre d’amants, tel nombre d’orgasmes, il faut avoir des enfants ou pas, allaiter ou pas etc… le fonds de commerce de la presse féminine). Cela n’a rien apporté aux femmes en général, la preuve : il y a autant de femmes maltraitées aujourd’hui qu’il y en avait il y a 50 ans, et dans beaucoup de cas ce sont des femmes jeunes, de celles qui ont grandi avec la pillule et le sexe omniprésent et obligatoire pour tous. Le féminisme des années 1970 a débouché sur un nombrilisme malsain, une obsession du corps et un refus de la féminité et de la maternité dont la conséquence logique sont les corps émaciés qu’on voit dans les défilés de mode.

  12. Décidément, je ne suis pas la seule à penser que ce magazine que je ne citerai pas devient inintéressant, avec des avis trop tranchés et des publicités à ne plus en finir… Je pense d’ailleurs sérieusement à me désabonner…De toutes les façons, je préfère encore lire les articles de ma blogroll que de lire leurs articles et reportages…Quant au féminisme, pour moi en tout cas c’est de pouvoir avoir le choix. Le jour où TOUTES les femmes pourront avoir cette liberté là, alors le mot féminisme deviendra désuet. D’ici là…

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