La désinformation

602378510_56f909be1d Je suis en pétard contre nos bons médias. Ras-le-bol à chaque drame de lire des âneries ou des sous-entendus douteux, n’ayant ni plus ni moins que la volonté de réveiller ce qui sommeille de plus mauvais en nous. J’en avais déjà gros sur la patate avec ce pauvre enfant décédé suite à un oubli de son père dont on nous a rabaché les oreilles qu’il était pharmacien. Comme si c’était encore plus impardonnable du coup, genre « vous avez vu pourtant il avait de l’éducation c’est fou hein ? ». Comme si un père ouvrier serait plus à même d’oublier son enfant qu’un pharmacien.

Et bien sur, beaucoup se sont précipités sur ce triste fait divers comme la mouche sur le fruit. Il n’y a qu’à lire les commentaires sur certains sites de presse pour se rendre compte que si nous vivions dans un autre pays ou à une autre époque, le bon peuple l’aurait pendu haut et court.
Comme si le fait de ne pas pouvoir expliquer l’inexplicable, provoque automatiquement un mouvement de haine et de rejet.
Je viens de lire plusieurs articles sur un nourrisson qui a trouvé la mort à Grenoble cette semaine. Et comment nous présente-t-on le drame ?
La maman a voulu accoucher à domicile et le bébé est mort.
Voila la grande ligne, le fil conducteur, le titre choc. « Né à domicile, et mort faute de soins »  » Né à la maison, le bébé meurt » « Elle accouche seule chez elle, mort du bébé » »Elle veut laisser faire la nature, le bébé meurt ».
Ou comment vouloir faire croire que l’accouchement à domicile est forcément un acte inconscient et dangereux. Une idée germée dans l’esprit dérangé de certains parents, néo baba-cools, stupides et arriérés.
Sauf que. En lisant plus en détail certains articles on se rend compte que la maman a été suivie tout au long de sa grossesse par un gynécologue. Elle a refusé de suivre les cours de préparation à la naissance avec une SF. Elle a dépassé le terme de 10 jours sans consulter ni gynéco, ni SF. Elle a refusé la présence d’une SF lors de l’accouchement. Le bébé a été retrouvé dans l’appartement sur le tapis, face contre terre, alors que la maman souffrait d’une hémorragie.
Malgré son transport en urgences à l’hôpital, le bébé est décédé deux jours après. Les premières explications seraient qu’il s’est sans doute étouffé avec des glaires. L’autopsie n’a pas révélée de violence.

Première opinion : Sous couvert de fustiger l’accouchement à domicile et ses dangers, on voit bien dans ce cas présent que c’est l’insouciance des parents qui a mené au tragique. Les contradictions (faire un suivi mensuel chez un gynécologue tout en refusant de consulter pour un dépassement de terme de 10 jours) dans cette affaire montrent bien que ce drame est arrivé car cet accouchement était mal préparé. Les parents ont déclaré s’être renseignés sur le net et avoir recueilli des témoignages.
On ne le dira jamais assez, le net est une source fabuleuse de renseignements mais chacun doit être trié, vérifié, recoupé, agrémenté d’autres recherches tels que des livres, des consultations auprès de professionnels, etc.
D’abord, la présence d’une sage-femme qualifiée lors de l’accouchement est obligatoire en France (en Belgique c’est 2). Modification suite à l’explication de Sophie Gamelin en commentaires : La présence d’une sage-femme n’est pas obligatoire en France. Ici, point d’aide extérieure. Alors que la sage-femme est la professionnelle, le garde-fou, celle qui sait quand il y a un problème côté maman ou bébé et qui sait réagir ou organiser un transfert vers une structure médicalisée si besoin.
Ensuite lors d’un dépassement de terme, même dans le cadre d’un AAD, la sage-femme effectue un suivi quotidien de la maman.
Bref, on voit très bien dans ce cas précis que la sécurité de la mère et de l’enfant n’ont pas été assurées.
On est très loin de la majorité des accouchements à domicile en France et en Europe.

Seconde opinion : Lorsqu’un bébé meurt lors de sa naissance à l’hôpital, ces mêmes médias se donnent-ils la peine de faire leur métier de journaliste et d’enquêter sur le pourquoi du comment ?
Les données de l’INED  donnent 10,4 enfants pour 1000 naissances, décédés à moins de 7 jours ou morts nés en France, en 2005. A consulter ici, cliquez sur Mortalité infantile depuis 1901. Pour environ 775 000 naissances cette année-là. Ce qui fait 8 060 décès en 2005.
Bien entendu, la surmédicalisation dans certains hôpitaux n’est pas responsable de tous ces décès, bien loin de là. Mais ces mêmes médias qui se jettent sur ce triste fait divers de ce jour, seraient-ils aussi enclins à enquêter et rendre une information partiale sur les décès périnataux en structures médicales ?

La médecine a fait d’énormes progrès en un siècle, la mortalité périnatale et maternelle a beaucoup chuté. Mais en face, l’accouchement à domicile est aussi encadrée par des sage-femmes expérimentées qui peinent à pouvoir faire leur travail, à cause des primes exhorbitantes des sociétés d’assurance.

Rappelons encore que dans beaucoup de pays européens, l’accouchement à domicile n’est pas considéré hors normes (30% aux Pays-bas).

Et enfin, l‘ANSFL (Association Nationale des Sage-Femmes Libérales) a publié une charte de l’accouchement à domicile, consultable ICI.

Photo : Flickr, MG Hionos

(7 commentaires)

  1. Je voudrais juste nuancer un peu : je pense que les médias « se jetent » sur des décès qui auraient pu être évitables ; c’est peut être le cas de cet accouchement à domicile ; c’était le cas aussi d’un accouchement dans une structure médicale, dans une clinique de Neuilly, ayant entraîné la mort de la maman suite à une hémorragie, alors que cette mort aurait pu être évité si l’obstétricien aurait pris la peine de s’enquérir de sa patiente. Ce « fait divers » a fait couler beaucoup d’encre…

  2. Autre nuance sur cette phrase : « D’abord, la présence d’une sage-femme qualifiée lors de l’accouchement est obligatoire en France ». NON c’est faux, appeler une sage-femme n’est pas obligatoire. Accoucher sans assistance médicale est possible. Après, il revient à chacun d’évaluer ses projets (il faudrait du temps pour en débattre, plus qu’un e-mail ici). Certes les médias se jettent sur le « croustillant » sans expliquer dans quelles circonstances ce choix (si c’en était un) a été fait. C’est bien beau de dire qu’ils auraient du appeler la s-f quand on sait aujourd’hui qu’elles exercent dans l’illégalité puisqu’elles sont obligées d’avoir une assurance qu’elles ne peuvent obtenir ! Le cercle vicieux : l’accouchement à domicile est tout à fait possible et aucune loi ne l’interdit mais les conditions d’exercice des s-f fait qu’elles sont liées.

  3. Bonjour,
    Eliza, je suis d’accord, mais je pense sincèrement qu’il y a aussi une volonté de dire « regardez comme c’est dangereux d’accoucher chez soi » et en tout cas c’est ce qui va se graver dans l’inconscient de beaucoup de gens.
    Sophie, c’est un grand honneur pour moi de vous lire ici. J’ai parlé de vous et de votre livre sur le plan de naissance il y a peu de temps sur ce blog. Je peux dire sans aucun doute que votre livre m’a permis de me réconcilier avec la naissance de mes enfants. Tout comme le cercle peut être vicieux, il peut être aussi positif : Bon ouvrage, bonne compréhension, bonne idée de ce qu’on veut ou pas et surtout pourquoi, bon plan de naissance, bon accouchement 🙂
    Merci infiniment pour l’aide que vous apportez à de nombreuses mamans !
    Concernant la présence obligatoire, je vous remercie de votre info. J’ai lu que c’était obligatoire dans un des fameux articles et j’ai fait des recherches mais je n’ai rien trouvé d’officiel. En effet je vois mal comment on peut obliger à ce qu’une personne soit présente ou pas. Par contre, j’imagine que cela ne va pas leur être favorable lors du procès.
    Concernant le problème des primes d’assurances, nous sommes tout à fait d’accord.
    Bonne journée !

  4. Christine, pourquoi dis-tu qu’on ne peut pas obliger une personne d’être présente ?! c’est pourtant le cas pour l’accouchement dans une maternité, non ?!
    dans une maternité, il y a obligation qu’une s-f soit présente à l’accouchement (dans des cliniques privées, il y a même l’obligation pour l’obstétricien).
    une législation plus cohérente sur l’AAD devrait justement, je pense, prendre en compte l’assistance par une sage–femme, qui puisse alerter l’hôpital en cas de problème.

  5. On ne peux pas comparer la législation d’une structure médicale comme une clinique ou un hôpital avec une propriété privée telle qu’une maison.
    Si une femme veut accoucher seule chez elle, elle le peut. A elle après de supporter les conséquences devant la justice s’il y a un drame ou des complications et qu’aucun professionnel n’était présent.
    Mais comme le dit Sophie au-dessus, les primes d’assurance exorbitantes empêchent la plupart des SF de pratiquer les AAD.

  6. Tout d’abord merci pour votre enthousiasme Christine. Je suis toujours heureuse de savoir qu’avec une bonne information les femmes, les couples, peuvent se réapproprier un moment important de leur vie. Pour revenir sur le sujet de l’article, je pense effectivement que le but de ce genre d’ « information » est de faire passer l’idée que « accoucher chez soi est dangereux ». Au lecteur de s’informer plus avant, sans compter sur le sensationnel médiatique, malheureusement. Il est important de souligner qu’une présence médicale ne peut être imposée au domicile de qui que ce soit. Et heureusement. Comme le souligne Christine, « On ne peux pas comparer la législation d’une structure médicale comme une clinique ou un hôpital avec une propriété privée telle qu’une maison. » Par contre la responsabilité reviendra aux parents de se justifier puisque là il y a eu décès (de leur bébé), notamment sur le thème de la non assistance à personne en péril… Aucun professionnel n’ayant été présent, la responsabilité médicale ne peut être transférée.
    Eliza, tu parlais de ce qui est imposé à l’hôpital. Oui, il faut être clair, si on se rend à l’hôpital, c’est bien pour avoir une aide médicale donc il y aura la présence d’une sage-femme, d’un obstétricien, voire d’internes (bémol cependant, la maman peut demander à ce qu’il n’y ait que le personnel nécessaire) selon la structure. Le problème de l’exercice (par rapport aux assurances) des sages-femmes pour l’accouchement à domicile existe, pourtant elles sont une soixantaine en France à accompagner ces naissances ! Effectivement, être accompagné d’une sage-femme à domicile peut permettre d’envisager un transfert à l’hôpital en cas de problème inopiné…

  7. De rien Sophie (mince alors, ca s’est vu que j’étais toute chose que vous lisiez et interveniez sur ce blog ?). Bon faut dire que c’est un peu comme si je faisais une note sur l’allaitement et que Marie Thirion ou Jack Newman arrivent pour faire un commentaire mouahaha, je vais essayer tiens !
    Si je fais une note sur George Clooney, ca marche aussi vous croyez ? 😉
    Merci pour vos précisions en tout cas.
    A bientôt

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