Réactions a propos des gourous du « parentage »

480445_949c0Tous les jeunes parents en font l’expérience : les nouveau-nés arrivent sans mode d’emploi. D’où la tentation de certains psychologues, psychothérapeutes ou autres experts autoproclamés ès puériculture de délivrer aux parents des modes d’emploi et des recettes d’éducation. En voici un exemple : le nouveau livre qui vient de sortir, dont le titre est fort présomptueux : The Science of Parenting (La science du parentage). Ainsi donc, la science d’élever ses enfants existe – on nous aurait menti ? En fait la science sert une nouvelle fois d’alibi à des discours mystificateurs. Car voici la thèse principale du livre : « certaines pratiques éducatives, comme celle de laisser pleurer les enfants, peuvent altérer profondément le cerveau et la personnalité des nouveaux-nés ».  Or certains « spécialistes » de la puériculture ont préconisé dans les années 60 de laisser les bébés pleureur (pour qu’ils fassent leurs poumons, pour qu’ils s’habituent à être tous seuls etc) ; ma foi, même si tout dogme dans ma matière me semble criticable, je constate naïvement que les adultes de ces générations « qu’on a laissé pleurer » ne semblent pas spécialement nevrosés ou atteints de problèmes psychiques… Bien sûr, l’auteur-gourou me contradirait : elle cite une étude qui montrerait que 70% des femmes qui n’ont pas été réconfortées lorsqu’elles pleuraient, enfant, développent des problèmes digestifs. Mais que veux dire « réconforter » ? Et de quelle situation de pleurs s’agit-il ? Car si on ne se soucie pas d’un bébé qui pleure pendant une heure parce qu’il a mal ou qu’il a fait un cauchemar ce n’est pas la même chose que laisser l’enfant pleurer pendant dix minutes pour s’endormir.

Mais revenons au livre en question.  Sunderland, l’auteur, affirme ni plus ni moins qu’elle sait ce qui se passe dans la tête des enfants. Directrice d’éducation dans un centre londonien de santé mentale des enfants, elle proclame, entre autres, que le fait de faire dormir le nouveau-né tout seul dans son lit augmente le taux de cortisol, une hormone du stress et de l’effort. Mazette ! Serions-nous tous (sauf les initiés, bien entendus !) des parents indignes qui traumatisent leurs bébés ? Mais cela voudrait dire que les bébés sont traumatisés depuis la nuit des temps puisque les parents ignorants ont laissé dormir l’enfant tout seul – sauf lorsque l’espace ne le permettait pas et la famille devait s’entasser dans une seule pièce. Rappelons en passant que la famille nucléaire est une invention récente.

Sunderland va plus loin : elle dit que chaque séparation de l’enfant d’avec ses parents augmente le taux du cortisol. Mais le doute plane sur ce fameux taux de cortisol. Qui dit qu’il ne doit pas augmenter ? De même que  K. Delahaye observe dans son livre sur la maternité que, si le stress des mamans enceintes se transmet aux enfants, on ne sait pas si une certaine « dose » de stress ne participe à la croissance du bébé. On connait d’ailleurs depuis longtemps la distinction entre le « bon » et le « mauvais » stress. De toute façon, aucune époque et aucune culture n’a gardé la femme enceinte dans un spa, avec des domestiques, pour lui éviter le moindre stress.

Ainsi donc, il faudrait que les enfants ne se séparent plus des parents ?! On comprend aisément que l’auteur préconise le « co-sleeping« . Mon Dieu, heureusement qu’on continue à couper le cordon ombilical, sinon, pour un peu, on continuerait à garder le bébé in utero pendant des mois pour lui éviter le « traumatisme » de la naissance ! Car rappellons une vérite … de bons sens : les séparations contribuent à construire une personne.

(12 commentaires)

  1. cher (ou chère) chris,
    l’avez-vous lu, vous ? votre commentaire n’en est pas un ! avez-vous une information, un argument à présenter à notre réflexion ? car, à votre réaction, on semble comprendre que ce que pense Eliza Taddei vous touche mais que vous ne voulez (pouvez ?) dire autre chose 🙂

  2. Chris, c’est généralement l’argument qu’on met en avant lorsque nous n’approuvons pas les critiques d’un livre. Soit on dit que leur auteur n’a pas lu le livre, soit qu’il l’a mal lu.

  3. Bonjour,
    Je n’ai pas lu ce livre, mais la lecture de cette critique me fait réagir.
    Je potasse depuis un moment déjà les arguments des uns et des autres, pour et contre du cododo, et du « laisser-pleurer ».
    Tout d’abord, l’argument  » on a toujours fait ça, serions nous tous traumatisés ? » n’en est pas un. Des centaines d’enfants ont des vécus traumatiques sans que pour autant cela saute aux yeux. On sait aussi que la résilience peut être très rapide quand l’environnement est ensuite favorable.
    Cet argument est d’autant plus fragile que justement, de très nombreux adultes de la génération « laisser pleurer votre enfant qu’il s’habitue à être seul » ont des problèmes lourds de sommeil (l’insomnie est devenu un problème de plus en plus courant).
    J’ai récemment demandé à une collègue, insomniaque notoire, si ses parents l’avaient laissé pleurer. C’était le cas : bébé difficile, il la faisait dormir le plus loin possible de leu chambre pour ne pas entendre ses pleurs. Je suis consciente qu’un cas ne fait pas une généralité. C’est juste que l’exemple, trouvé par hasard, m’a troublée.
    Votre réaction à la lecture de ce livre ressemble à celle d’une mère qui se sent jugée dans SA pratique. Car il est impossible de critiquer une mère. On ne peut accepter d’entendre que l’une des option d’éducation que l’on a appliqué puisse être « mauvaise ». Car on tombe alors dans la culpabilité dramatique et mythique de la « mauvaise mère ».
    Ce livre tente si j’ai bien compris, d’analyser biologiquement les effets de telle ou telle pratique. Soit.
    Personnellement, je ne vois pas l’utilité de laisser pleurer un bébé. Un bébé n’est pas un enfant de 2 ans. Il n’a pas la parole. L’absence de réconfort, c’est je crois l’absence de réponse à un appel. La réponse, ça peut aller de la parole au contact, souvent le meilleur outil d’apaisement pour un tout-petit.
    Le pleur est l’unique moyen de communication. Y répondre permet de tisser au mieux la communication entre l’adulte et l’enfant.
    Pleurer dix minutes avant de s’endormir, c’est déjà beaucoup. Pas dramatique, certes, mais pas serein. L’argument qui moi me touche, dans d’autres livres, c’est celui qui consiste à dire : quel monde je présente à mon enfant si je le laisse VOLONTAIREMENT seul quand il pleure ? Toutefois, si l’on est pris entre laisser pleurer ou y laisser sa santé et son moral, … mais le cododo n’est-il pas aussi une option ?
    Vous parlez alors de cordon à couper, mais il y a je crois un âge pour chaque chose. Jusque vers 18/20 mois, la persistance d’un maternage intense ne me semble pas contre-indiqué, au contraire.
    Toujours à propos d’âge et d’attente vis-à-vis de l’enfant, un exemple : pendant une période, et c’est encore le cas chez certains, on a mis l’enfant sur le pot le plus tôt possible, pour se débarrasser précocement de la question. A-t-on créé des générations de traumatisés ? oui et non. Beaucoup d’adulte éduqués de cette façon connaissent des difficultés de psychorigidité ou autres.
    On reconnais maintenant que l’enfant, par son corps et son esprit, n’est pas « mûr » avant un certain point pour se plier à l’exigence de « propreté ».
    Et bien je pense que pour le sommeil, il faut faire le parallèle : dans une mesure variable, le bébé n’est pas mûr pour dormir seul et sans peurs dès sa naissance, ou dès ses 3 mois. Il peut le faire (un bébé a une capacité d’adaptation phénoménale), mais ce n’est pas son développement optimal.
    (L’url que j’ai indiquée n’est pas mienne mais sa lecture pourrait intéresser.)

  4. Merci de ce long commentaire.
    Dans ma note, je voulais dire essentiellement 2 choses :
    1) je ne pense pas (et je ne suis pas la seule à le penser) qu’il existe une science du parentage. Ce qui le prétendent sont, à mon avis, des gourous ; sinon, je voudrais bien lire les études, les méthodologies, les résultats etc.
    2)Pour l’âge de « couper le cordon », effectivement, c’est une question qu’on peut se poser. Personnellement, je trouve qu’un bébé qui marche à 4 pattes (vers 8-9) mois, « roule » déjà vers son autonomie…
    Mais chaque maman (et chaque parent) y répond à sa manière. Je préfère cela à la science du parentage/ maternage.
    Concernant le co-dodo, c’est pareil, aux parents de faire comme ils l’entendent. Ceci dit, on appelle co-dodo aussi le fait de faire dormir Bébé dans un berceau collé au lit des parents. Quelque part, il est quand même dans son lit. Ou il peut aussi dormir dans son propre lit mais dans la chambre des parents. Différentes solutions existent donc, sans tomber dans la situation extrême : boules Quies et bébé qui pleure avant de s’endormir…

  5. Effectivement, les réactions lues ici s’apparentent beaucoup avec notre sujet http://www.eparsa.fr/family/index.php?2008/11/28/507-les-extremistes-de-la-petite-enfance-tout-un-sommaire
    Dans tout cela, ce qui est invraisemblable, c’est qu’on oublie que chaque enfant est unique et que chaque enfant a des besoins différents. Certains ont besoin d’être constamment rassurés, et ce également par la suite dans leur vie d’adulte… D’autres ont besoin d’être autonomes très tôt, et d’autres encore ont besoin de limites ! Il n’y a pas d’éducation parfaite, c’est certain. Mais il est facile de balayer devant la porte des autres avant de le faire chez soi. Nous faisons d’ailleurs très peu de publicité sur les livres de la petite enfance, ils abusent de la fragilité et de la crédulité des parents. A moins d’être instable, il n’y a pas meilleur parent que soi pour nos enfants. Prendre conseil est une chose, mais adopter des théories en est une autre… Tous les traumatismes ne sont pas liés à la petite enfance, les théories de Freud ont été revues et corrigées depuis des années… Mais pratiquer le règne de l’enfant roi chez soi n’a rien de sein pour les parents, et encore moins pour les enfants qui ne sauront rien concéder à l’age adulte.

  6. Pour info, je me permets de rajouter une dernière chose sur le fameux cortisol…
    Cette hormone se mesurent en laboratoire, par prise de sang, à des horaires très strictes (lever, et coucher)
    Sinon les données n’ont aucune valeur « scientifique ».

  7. Je suis complètement d’accord avec vous.
    D’ailleurs je m’insurge sur la culpabilisation des mères, auxquelles ont fait porter le chapeau pour chaque bêtise ou problème de l’enfant. (soyons d’ailleurs heureuses que les psys ne considèrent plus que l’autisme est la faute des mères !).
    Pour le cortisol, merci de le rappeler ; ah, les études, on leur fait dire n’importe quoi mais qui se penche sur la valeur scientifique ? il faudrait que je fasse un billet la dessus 🙂

  8. Au risque de passer pour un mauvaise mère (il semblerait qu’au deuxième enfant on prenne cette insulte comme un compliment, étrange non ?) il faut aussi prendre en compte les besoins de l’adulte, non ? Car c’est lui qui ramène à manger, qui assure la propreté (des fesses, des couverts et de la tanière), et qui épaulera cet enfant tout au long de sa vie… Si c’est pour l’épuiser avant l’heure, le maternage est-il si bon ? Si on fait de l’enfant une personne, il faut lui apprendre aussi son rôle de personne en relation avec d’autres… Cela n’enlève pas le droit de parler, d’expliquer, de caliner et de réconforter, mais il faut se fixer ses propres limites (et le nouveau-parent est parfois un peu trop maléable pour arriver à se préserver. Quid de la hausse du nombre de baby-blues ou DPP ? Y’aurait une étude scientifique la dessus ?!!!). Certain(e)s sont aptes à materner à haut niveau, d’autres pas…
    Et à 6-8 mois, nombreux sont les enfants qui commencent à manifester leurs envies plus que leur besoins et à vouloir imiter et faire seuls plutôt que d’être en permanence assistés. (Oui, à leur échelle bien sûr ! Ils ont le droit d’être encore des enfants pendant de longues années, heureusement.)

  9. Tiens, et d’ailleurs, cette mode du parentage et ne l’abnégation du parent devant les besoins de enfants ne serait-elle pas due au fait que, bébés, nous ayons été brimés en encouragés à refouler nos besoins, à grand coup de 10 minutes de pleurs pour s’endormir ?
    Mais, mais…
    Si on ne laisse pas pleurer nos enfants, ils ne vont pas savoir se sacrifier pour materner leurs enfants à leur tour !!!
    Nota : Je précise qu’il faut prendre cette remarque avec humour et auto-dérision au risque de me prendre pour une « gourou du non parentage »
    Et au passage, je trouve le blog-bébé bien équilibré à ce niveau

  10. je suis tout à fait d’accord avec vous !!
    personnellement je n’ai pas été laissée élevée à grand coup de pleurs mais avec du « sacrifice », ce qui m’a longtemps refroidie à l’idée d’avoir un enfant…
    je pense qu’on doit trouver notre équilibre avec les enfants, mais aussi pour soi (halte aux frustrations, aux névroses, aux relations fusionnelles qui ne peuvent que nuire à l’enfant !) ET DANS LE COUPLE !
    je viens d’aillers d’avoir une discussion avec une copine qui me disait combien elle avait besoin d’une soirée entre adultes (attention, pas de sous-entendu ! c’est innocent, juste une sortie SANS ENFANTS pour se retrouver entre copains et dans le couple).
    au passage, merci Mariette pour les compliments adressés au blog bébé ! 🙂

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