Le tabou des mères porteuses : un bébé à tout prix ?

En France, les lois de bioéthique de 1994 proscrivent le recours à une mère porteuse ou GPA ( gestation pour autrui). En effet, la loi considère que la mère est  » celle qui accouche de l’enfant « . Chaque année, on estime entre 200 et 400 le nombre de couples français qui font appel à une autre femme pour porter leur bébé à l’étranger, dans les nombreux pays comme les Etats-Unis, le Canada, la Belgique, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas et bien d’autres encore, qui ont légalisé la GPA.

De plus en plus de médecins pensent qu’il faudrait l’autoriser en France car ils y voient un moyen de lutter contre les problèmes d’infertilité. Le débat sera bientôt relancé puisqu’en 2009 les lois de la bioéthique seront révisées.

Alors, va-t-on bientôt faire partie de ces pays qui autorisent le recours aux mères porteuses ?
Le débat promet d’être houleux car il soulève de nombreuses questions comme celle, entre autres de la maternité et de la place de la mère gestatrice. En effet, le don de gamètes et de sperme est répandu et maintenant accepté par la morale, et une femme peut ainsi porter en elle un enfant qui n’est génétiquement ni le sien ni celui de son mari… mais l’assistance médicale à la procréation ou AMP ne peut aider les femmes qui sont dans l’incapacité de mener une grossesse que ce soit pour des raisons organiques ou médicales. Légaliser la GPA serait alors une solution à la souffrance de ces couples qui ne peuvent avoir d’enfants par les moyens légaux mis à leur disposition en France à l’heure actuelle. Les couples homosexuels pourront alors également accéder à la parentalité. Mais certains psychiatres et psychanalystes s’insurgent en dénonçant le fait que les échanges intra-utérins entre la mère et le bébé sont très importants pour le développement de ce dernier et que le couper de sa gestatrice aura des effets dévastateurs sur son psychisme. Et sur celui de la mère porteuse également qui ne peut pas ne pas être déchirée par une telle séparation. Un bébé n’hérite pas non plus que des gênes de sa mère biologique, il hérite également d’une partie de son histoire personnelle et familiale. Le couper de ce lien n’est pas non plus anodin pour sa vie future. Enfin, les femmes qui se proposent comme potentielles mères porteuses ne sont-elles pas souvent les plus précaires, pour qui cette somme d’argent est une solution de survie ? Les détracteurs de la GPA y voient une exploitation de la femme par la femme. 
Le débat est complexe et soulève de nombreux tabous, prendre position paraît délicat et remet en question nombre de fondements de notre culture judéo-chrétienne…A l’heure où tout se vend et tout s’achète, la gestation pour autrui peut faire froid dans le dos si elle devient une vulgaire commercialisation des utérus et non pas le don altruiste le plus fou et généreux qu’une femme puisse offrir à une autre. 

(3 commentaires)

  1. Je suis personnellement à fond pour que ce soit légalisé, mais extrêmement bien encadré. Je pense que les mères porteuses ne devraient pas être rémunérées comme pour le don de gamètes.
    Pour ce qui est du lien, qu’en est-il dans les pays qui le pratiquent depuis plusieurs années ?
    En tout cas, en effet, ca promet..Mais dans un pays qui refuse la PMA ou l’adoption aux homosexuels, on n’est pas prêt de voir les mères porteuses autorisées..Surtout en ses temps de retour aux valeurs morales et chrétiennes, hum hum…

  2. Depuis l’avis du CCNE de 1984, la question de la maternité pour autrui dont nous entendons parler en ce moment perdure depuis un quart de siècle en France. Dans une approche rationnelle et responsable, on aurait pu penser que la discussion aurait dû porter sur une évaluation des risques et des bénéfices tant sur le plan individuel que collectif des différentes options que recouvrent les différentes formes de maternité pour autrui. Ces différentes options de conditions d’accès, de mise en relation, de lien génétique, d’établissement de la filiation, d’aspects financiers, de place de la gestatrice peuvent être évaluées au regard de nos droits constitutionnels de liberté individuelle, de respect de la dignité du corps humain, du droit à être soigné et des droits de l’enfant, comme cela a été fait dans la quasi-totalité des pays qui ont légiféré.
    Mais c’est une toute autre histoire à laquelle nous avons assisté en France. Ce n’est pas un débat rationnel qui s’éternise entre personnes aux conceptions antagonistes, c’est une incapacité à élargir le champ du débat au-delà de l’accouchement que nous imposent les opposants à la légalisation de toute forme de maternité pour autrui. Loin de tout fait étayé, dans un déni profond des expériences positives d’autres pays, c’est en fait une recherche du retour à un ordre naturel fantasmé que nous subissons. Comment est justifiée cette prohibition ? Ce serait un acte d’abandon d’un enfant par sa mère obtenu par coercition ou contre de l’argent, et cet acte aurait des conséquences dramatiques pour l’enfant ainsi né.
    Dans ce tableau tragique et caricatural qu’on veut nous faire croire, il est occulté beaucoup de choses. A commencer par le père. Ce qui fait le propre de l’humanité et qui la différentie de l’animal, c’est d’abord l’amour d’un couple et le désir de faire naître un enfant. Ce qui fait aussi le propre de l’humanité et qui la différentie de l’animal, c’est que ce couple, et pas seulement la mère va ensuite élever cet enfant pour lui permettre un jour d’être autonome, et lui transmettre une histoire, une part d’humanité. C’est ce qui fait le cœur de la famille et dont nous connaissons les plus graves défaillances : violences conjugales, séparation, maladies… Il s’agit là de souffrances graves et avérées et non de simples suppositions comme celles que l’on prête à la maternité pour autrui. Ce qui fait le propre de l’humanité, c’est de ne pas subir son destin et de chercher sans relâche, et même parfois maladroitement, des solutions aux problèmes de l’existence et d’augmenter notre compréhension du monde.
    Dans le tableau tragique que l’on nous présente, c’est la toute puissance d’un ordre naturel duquel on ne pourrait s’échapper. La femme infertile devrait rester stérile, l’avenir de l’enfant serait déterminé par la grossesse, et l’argent ne serait que source de corruption morale. Dans cet ordre naturel que l’on voudrait nous imposer, il n’y aurait pas d’alternative pour la femme entre être une mère ou devenir une putain par la soumission aux forces de l’argent.
    Mais nous vivons dans un monde bien plus complexe. Il existe des milliers de façons d’être une femme, des milliers de façons d’être un homme, des milliers de façons d’utiliser l’argent, des milliers de façons de vivre une grossesse. Ce qui permet de vivre en société, ce n’est pas d’obliger les gens à rentrer dans des comportements fixés par des convictions, c’est de respecter les règles qui protègent la collectivité et l’individu, à commencer par ses libertés individuelles. Car ne nous y trompons pas, ce retour à un ordre naturel fantasmé n’est rien d’autre que le rêve d’un ordre moral qui nous rappelle les sinistres époques où l’on déniait à la femme la liberté et la capacité d’exercer certaines professions, de voter ou d’avoir un compte en banque, et qu’au fond la seule vertu qu’on lui reconnaissait était d’assurer la reproduction de sa famille. Après 25 ans de chocs des représentations, il serait temps d’aborder la question de la gestation pour autrui par une approche humaniste et pragmatique, et d’en déterminer les modalités selon nos principes constitutionnels, et non simplement selon les convictions de certains. Nous disposons de l’expérience de nombreux pays qui ont su mettre en place des règles qui fonctionnent bien, et nous pouvons aussi nous appuyer sur l’expérience précieuse de 30 années de don de sperme en France par les Cecos.

  3. En cette période d’été, je ne peux que vous conseiller ces excellents livres sur ce sujet complexe :
    – Interdits d’enfants de S. et D. Mennesson
    – Famille à tout prix de Geneviève Delaisi de Parseval
    – Enfants du don de Dominique Mehl

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